Second Life est un jeu communautaire en 3D, qui a des fonctionnalités orientées cul, notamment propice aux jeux de rôles BDSM en ligne. J’ai interviewé deux joueurs.
Au départ, j’avais envie d’écrire à propos des jeux en ligne donnant la possibilité d’interagir de manière sexuelle avec d’autres joueurs. J’ai donc essayé IMVU, un chat comprenant une interface en 3D, dans laquelle les personnages des joueurs évoluent. Je n’ai pas été très convaincue. Mais vous verrez cela plus tard, dans un prochain article.
Tout cela était bien beau, mais une inscription et quelques minutes ou heures d’utilisation ne suffisent pas pour se faire une idée concrète d’un jeu principalement basé sur les interactions entre les personnes qui l’utilisent.
Afin de mieux comprendre comment ça se passe lorsqu’on vit des aventures sexuelles dans un jeu communautaire en 3D, j’ai donc décidé de faire appel à des témoignages d’inscrits de longue date. Si les personnes qui ont répondu font partie de la communauté BDSM, à l’origine, j’avais posté ma question en divers endroits, sans chercher spécialement à cibler.
Avis de Vlad, qui a apprécié Second Life
J’ai rencontré Vlad sur Bdsm.fr. Inscrit depuis quatre ans sur Second Life, le célèbre monde virtuel en 3D dans lequel les inscrits sont libres de faire évoluer leur personnage comme ils l’entendent, sans but imposé, avec, entre autres possibilités, celle de mener une seconde vie… sexuelle, il a gentiment accepté de répondre à mes questions.
Vlad : A vrai dire, je ne sais pas vraiment quoi vous raconter, j’y suis inscrit depuis quatre ans, j’y ai vécu pas mal de choses.
Comment les rencontres se déroulent-t-elles ? On y rencontre les gens au hasard ? Par centre d’intérêt ?
Vlad : Second Life est séparé en “sims”. En gros, les sims sont des mondes, qui appartiennent à différents propriétaires.
Les propriétaires sont des joueurs, donc ?
Vlad : “Joueurs” n’est pas obligatoirement le terme. Certains créent des sims simplement pour en vivre réellement, en vendant des objets, des services, comme dans la vie de tous les jours.
On a donc un moteur de recherche, qui permet de trouver des sims par nom. Par exemple, “BDSM French” permettra certainement de tomber sur un monde BDSM français… Donc, ça peut être un monde créé par un fan du BDSM, pour rencontrer. Ou ça peut être un monde de vente d’objets BDSM français. A partir de là, on se pointe avec nos avatars sur les dits mondes, et on peut discuter, créer des objets nous même, se les échanger, ou utiliser ceux en place… A savoir que l’on peut tout créer, même une animation, un son, etc…
Il faut un abonnement pour créer des objets ?
Vlad : Non, tout le monde peut en faire. Simplement, si on décide de les vendre, Linden Labs prend une commission. Mais l’on peut aussi se contenter de ce qui est appelé “Freebies”, c’est-à-dire les objets gratuits. Il y a déjà une bonne diversité de freebies.
Le seul souci, c’est que, vu tout le monde peut vraiment créer ce qu’il veut, parfois, il y a des objets assez mal faits, qui peuvent entraîner des bugs. Il est donc courant d’avoir un bug dont on ne connaît même pas l’origine. Sinon, je me permets de Vous passer ce lien vers le marketplace de Second Life. On peut acheter directement depuis ce site, ou prendre un objet gratuit, aussi.
Comment se connecte-t-on ?
Vlad : Pour utiliser Second Life, il faut un logiciel que l’on appelle un “viewer”. Étant donné que Second life est open source, plusieurs viewers sont disponibles. Moi, typiquement, je n’utilise pas un viewer officiel. J’utilise Phoenix, qui me permet notamment d’utiliser un plugin du nom de RLV (Restrained Love Viewer). Et grace à ça, il est plus facile de faire du BDSM : on peut me restreindre le chat, la téléportation etc…
Dans quel contexte as-tu eu envie de t’inscrire ?
Vlad : Je suis plutôt timide et je ne voulais pas me lancer n’importe comment dans le BDSM. Second Life m’a permis d’avoir de la théorie, bien qu’il y ait aussi pas mal de fantasmeurs (c’est fait pour, aussi). Et du coup j’ai appris pas mal, et j’ai eu des aventures sympathiques.
Comment se passent les relations avec les autres utilisateurs ? Ce sont plutôt des relations “d’un soir”, ou bien il y a aussi des relations suivies ?
Vlad : Je dirais que ça se passe plus rapidement que dans la vie de tout les jours, mais que ça se fait tout de même comme une vie normale. Il y en a qui trouvent leur bonheur en faisant du sexe rapide (Donc ça, ça peut être fait en quelques minutes, en cherchant un peu, c’est juste qu’en général la femme jouée c’est un mec :) .
Mais on peut aussi avoir de véritables belles histoires. J’ai une amie qui a trouvé son Maitre RL sur Second Life alors que c’est moi qui lui ai fait découvrir SL. J’ai également eu l’occasion de rencontrer une Maîtresse qui habitait en Espagne, et qui a déménagé en France pour s’installer avec son soumis de SL…
Et toi ? Tu as déjà eu une maîtresse virtuelle suivie dans ce jeu ?
Vlad : Pour ma part, j’aime bien aller à l’international. J’ai donc eu des jolies rencontres avec des Dames de toutes part. Et la plus belle a duré 6 mois (comprendre que c’est très longtemps pour une relation SL, surtout que l’on se voyait tout les soirs facilement 2h), c’était avec une Maîtresse Roumaine. Qui était une Maîtresse réelle aussi, et avait un soumis à demeure.
Ca a dû prendre une place importante dans ta vie…
Vlad : Oui…
Tu as eu des sentiments pour cette dame ?
Vlad : J’ai donc eu des sentiments, oui. Mais j’ai fini par la quitter, et ça m’a fait mal, mais bon… Je me suis dis que s’accrocher à Second Life c’était pas une bonne chose, parce qu’après tout même si ça a été fort je ne l’ai jamais vraiment rencontrée, même si j’aurais pu.
Les relations à distance, ce n’est jamais très facile…
Vlad : Maintenant j’y vais plutôt pour m’amuser. Des petits jeux, parfois même du complet irréel. Du genre de la magie, de l’hypnose… Tout est réalisable, plus qu’en réel. La seule limite est l’imagination…
Après, il y a plusieurs catégories, comme je l’ai dit… Les gens qui sont orientés réel : ils vont parler au micro, ont certainement une relation réelle, et viennent plutôt juste pour échanger. Ou les joueurs / fantasmeurs plutôt pour un coup d’un soir.
Lorsque tu y joues, tu ne fais que jouer, ou il t’est déjà arrivé de te masturber dans le monde réel pendant ce temps ? Si oui, à quelle fréquence ?
Vlad : Oui, il m’est arrivé maintes fois de me masturber. Ça, c’est plutôt quand je fais des jeux rapides. J’aime les belles phrases, et sur Second Life, les belles phrases, c’est une base. Du beau roleplay, bien descriptif.
C’est ça moi qui m’excite, qu’une Dame arrive à me bercer avec ses mots. Si l’on sait dominer le cerveau, l’on sait dominer le corps.
Lorsque c’est plus intense, c’est plutôt dans l’imagination que la magie a lieu, donc ?
Vlad : Pour moi, oui. Mais, comme je l’ai dit, il y a de tout sur Second Life. Il y a même des clubs de strip-tease et des prostituées professionnelles, car les Lindens (monnaie de Second Life) peuvent être échangés contre des dollars et vice versa. C’est pour ça qu’on y trouve des entreprises.
Pour les graphismes, c’est pareil, il y a de tout. Ils sont créés par les utilisateurs, et certains peuvent être très beaux.
Y compris les textures et modèles 3D des personnages ?
Vlad : Oui. Tout. On peut tout changer, de A à Z. Mais faire un personnage digne de ce nom, ça prend du temps déjà. On reconnaît souvent un nouveau à son look, sa démarche hésitante (animation de base).
Mais en général, les meilleures animations / meilleurs graphismes se paient… En fait, je dirais que les débuts sur Second Life ne sont pas faciles.
Tu peux réaliser toi-même l’animation associée à la démarche de ton perso ?
Vlad : Oui. Mais créer des objets ou des animations n’est pas donné à tout le monde. Moi-même, je me contente d’utiliser, je ne sais pas créer.
Sinon, donc, pour en revenir aux premiers pas sur Second Life, il faut savoir que, pour accéder au contenu adulte, il faut leur fournir des informations, dont un scan de carte d’identité. Je crois que la procédure a été simplifiée, mais je n’en suis pas certain.
Bref, je résumerais en : débuts difficiles, mais après ça peut être le pur bonheur. Il faut juste un temps d’adaptation. Mais bon, les différentes Maîtresses / personnes que j’ai croisées m’ont bien guidé aussi.
Avis de K., qui n’a pas du tout apprécié Second Life
Tout le monde ne partage pas cet avis. Sur le forum Doctissimo, K., qui a joué à Second Life pendant deux ans, en garde un assez mauvais souvenir.
K. : C’est d’la merde !
Pourrais-tu, s’il te plaît, détailler ta réponse ? De quel jeu s’agit-il, et quelle est ton expérience de celui-ci ?
K. : Second Life. C’est moche, que ce soit au niveau du graphisme de base ou de l’animation, mal foutu, injouable et cher.
Pour un pseudo jeu gratuit, c’est assez paradoxal : le prix est assez élevé si tu veux un truc bien ficelé, et pas une pauvre bouse aux graphismes atroces. En prime, sous prétexte de SM, c’est blindé de gens qui imposent des règlements à la con, qui à mon avis sont franchement ridicules. Bref, rien de sérieux, seulement des gens qui se la jouent…
De plus, comme toute plate-forme virtuelle gratuite, c’est blindé de kévins, de noobs, qui se baladent avec un avatar affreux et s’écrient “kikoolol !” tous les trois mots. Bienvenue sur “Mon beauf fait du SM”, quoi. Pourtant, bien modéré, bien animé et mieux codé, ça aurait pu être bien, Second Life, pour l’aspect jeu de rôle… Mais bon, ils ont préféré le fric facile.
Combien de temps y as-tu joué ?
K. : J’ai joué à Second Life longtemps, près de deux ans, mais pas pour le cul, c’était pour du jeu de rôle.
A l’origine, le principe était plutôt bien : une zone personnalisable permettant de jouer dans n’importe quel univers de jeu de rôle, même le plus inconnu. Une alternative roleplay aux MMORPG.
Sauf que peu de joueurs maîtrisent les bases du roleplay. La plupart écrivent comme des pieds, c’est illisible. On passe plus de temps à chercher des gens pas trop mauvais en orthographe qu’à jouer.
Selon toi, Second Life est-il vraiment injouable si l’on refuse de payer quoi que ce soit ?
K. : Sans fric, tu as un avatar moche et crade. Si tu veux obtenir les gadgets pour jouer à des trucs un peu marrants ou pour avoir un avatar moins laid, tu raques. En fait, tu raques pour tout. Sans compter les prostituées virtuelles, qui ont pour seul désir celui de te faire raquer.
Conclusion… et suite ?
Encore merci à Vlad et à K. de m’avoir accordé ces interviews.
Suite à ces avis très mitigés, je pense m’inscrire sur Second Life afin d’en juger par moi-même. Mais ce sera pour un prochain article…
Illustration en tête d’article : “Sex sells”, galerie Flickr de Bea Serendipity / Ghee, Creative Commons.