Lorsque j’ai exprimé mon envie parler de pénis volant dans un article, je me suis rendue compte que l’idée semblait nettement plus pertinente dans ma tête. Hormis quelques objets phalliques volants (plutôt bien identifiés) dans les recoins de Youtube, qu’allais-je bien pouvoir trouver sur le sujet ?
Puis, je me suis rendue compte que le phallus volant avait été bien plus présent dans l’histoire que je ne l’imaginais.
Antique ou moderne, insultant ou protecteur, exhibé ou discret, voici donc un petit compte-rendu des aventures du pénis volant à travers les siècles.
Le pénis volant de l’Empire Romain
Dans la mythologie romaine, Fascinus est l’incarnation du pénis divin, entité sacrée de la fertilité masculine, située dans le foyer.
Il est vénéré par les Vestales, prêtresses de la déesse du foyer Vesta. Celles-ci accrochent une amulette à l’effigie de Fascinus (“un fascinus”) sous le char des généraux célébrant une victoire, afin de les protéger contre le mauvais œil.
Les amulettes phalliques, souvent ailées, sont omniprésentes dans la culture romaine : des bijoux, des ceintures, des carillons, des lampes… On les utilise, en particulier, pour protéger les enfants et les soldats conquérants.
Fascinus est souvent associé à Liber Pater, ancien dieu romain du vin, de la vigne et de la fécondité, parfois assimilé à Bacchus et son homologue grec, Dyonisos. En Italie, un festival en son honneur a lieu tous les ans, en mars. Les villageois font une procession dans la campagne, transportant un immense phallus afin de protéger les récoltes et de rendre les terres et leurs habitants fertiles.
A l’arrivée du christianisme, ces coutumes, bien que toujours fortement ancrées, suscitent la vive désapprobation des chrétiens, qui trouvent honteux que l’on exhibe et glorifie un tel symbole sexuel.
On retrouve le phallus ailé dans de nombreuses fresques murales en relief, notamment à Pompéi et à Nîmes.
Illustration : un oiseau-pénis ailé sur une fresque découverte en 1825 dans des ruines romaines à Nîmes
Le pénis volant antique reviendra à la mode vers la fin du 19ème siècle et au début du 20ème, sous forme de gravures et de tatouages.
Le pénis volant du Moyen-Âge
Au Moyen-Âge en Occident, chrétienté oblige, le pénis volants se fait plus discret.
Mais les livres sont copiés à la main par des moines, et à force de copier des bouquins sérieux à longueur de journée, on s’ennuie. Et lorsqu’ils s’ennuient en écrivant, que font les moines ? Ils gribouillent des dessins rigolos dans les coins.
Ce fut, semble-t-il, le cas du moine qui recopia, vers 1340, le Décret de Gratien revu par Bartolomeo da Brescia, un livre de droit ancien particulièrement rébarbatif.
Le pénis volant du Bhoutan
Au Bouthan, un petit pays d’Asie situé entre la Chine et l’Inde, il n’est pas rare de croiser des pénis en érection en train d’éjaculer, à l’allure aérienne, peints sur les façades des habitations rurales, et des pénis en bois suspendus aux toits et aux encadrements des portes.
Photo : galerie Flickr de rajkumar1220, licence Creative Commons
La légende du pénis volant
Ce curieux symbole serait un héritage du saint bhoutanais Lama Drukpa Kunley, aussi connu comme “le Fou de la Lignée du Dragon”. Kunley vécut dans la seconde moitié du quinzième siècle et au début du seizième.
Originaire du Tibet, Kunley voyagea beaucoup au Bhoutan, et y enseigna le bouddhisme. Il aimait les femmes, le sexe et le vin, et profitait des plaisirs de la vie en compagnie de ses disciples. Ses méthodes d’enseignement, peu orthodoxes et loin des conventions sociales, choquaient le clergé, mais avaient tendance à plaire aux gens ordinaires.
Ce fut lui qui propagea la tradition de peindre des phallus sur les mur et d’accrocher des pénis sculptés un peu partout dans les maisons, afin d’éloigner démons et mauvais esprits.
Selon la légende, Kunley protégeait les habitants en frappant les forces du mal avec son pénis, arme redoutable (modestement) nommée “Éclair de sagesse flamboyante”, transformant ainsi les créatures maléfiques en divinités protectrices.
Photo : galerie Flickr de Stefan Kasovski, licence Creative Commons
Le culte phallique
Un monastère en son honneur fut construit en 1499, et abrite encore de nos jours de nombreux phallus en bois. L’un d’entre eux, l’Éclair du Lama, à la poignée d’argent, est censé avoir été ramené du Tibet par Kunley lui-même. Le lama qui dirige le monastère s’en sert régulièrement pour bénir les femmes en quête de fertilité. Pour cela, rien de tel qu’un petit coup sur la tête.
La croyance selon laquelle le symbole phallique porte chance et éloigne les forces maléfiques persiste encore dans les esprits de nos jours. Dans les campagnes, on orne encore les murs des nouvelles maisons et des commerces de fresques phalliques, on place des phallus en bois dans les maisons et dans les champs, et on en peint même sur les plaques d’immatriculation des camions.
Cette coutume a été abandonnée par les citadins, et a également disparu des temples bouddhistes.
Photo : galerie Flickr de rajkumar1220, licence Creative Commons
Mais il semblerait que, si Kunley et son zizi chasse-monstres a bel et bien contribué à la popularité des symboles phalliques, ceux-ci aient déjà été présents auparavant, dans la tradition du Bön, une religion animiste pratiquée au Bhoutan avant l’apparition du bouddhisme.
Le pénis volant moderne
De nos jours en occident, les croyances ésotériques liées aux pénis volants se sont dissipées. Mais grâce à la technologie, le fantasme séculaire du zizi aérien peut enfin être mis en œuvre… et est fièrement exhibé sur Youtube (où certains expédient des sextoys jusque dans la stratosphère).
Vouloir expédier un objet phallique dans le ciel, c’est bien beau, mais toutes les méthodes ne se valent pas. Et tous les pénis volants ne volent pas de la même manière.
Parmi les techniques “faire voler un pénis gonflable”, on recense notamment, dans la même vidéo :
Le phallus hélitreuillé
Un modèle réduit d’hélico radiocommandé, de la ficelle, et le zizi gonflable s’élève doucement vers les cieux.
Le zizi-fusée
Technique bourrine (en même temps, vouloir faire voler une bite gonflable, c’est déjà pas mal bourrin), mais spectaculaire.
Le pénis avion
Le record du véhicule le plus fiable appartient sans doute au phallus planeur. Mais le pénis avion gagne sans doute le prix du look le plus classe (ahem… “classe” n’est peut-être pas le terme le plus adéquat, mais bon….).
Au passage, les mêmes gugusses tentent aussi de faire voler une poupée gonflable (peuh, ils auraient au moins pu l’habiller en Superman avant !) et un mouton-sextoy gonflable (le Lovin’Lamb de Pipe dream, héros de Sextoys Superheroes et, semble-t-il, de bien d’autres aventures…).
L’hélipénis en bois
Dans une autre vidéo, les mêmes gens tentent de faire voler un hélipénis en bois.
“On fait quoi ce week-end ?” “Bah quelle question ! Des bites volantes, bien sûr, comme le week-end dernier et celui d’avant !”
L’ombre menaçante de l’hélibite
Un autre pénis hélico, mais plat, dans le ciel. Reconnaissons qu’il a l’air plutôt menaçant.
Pénis modernes agressifs
En Russie
En 2008, en Russie, un hélico-bite est venu perturber une conférence de l’homme politique et joueur d’échecs Garry Kasparov. Cet “attentat au Dongcopter” sans gravité a probablement des motivations politiques, mais il donne surtout l’occasion de contempler un mec en costard, tout sérieux, membre du personnel de sécurité, bondissant pour chasser le zizi volant.
Sur Second life
Un “attentat aux pénis volants” s’est également déjà produit sur Second Life. En 2006, une interview d’Anshe Chung, l’avatar d’Ailin Graef, devenue millionaire in real life suite à des investissements fructueux d’argent virtuel dans le jeu, s’est vue interrompue par… une tempête de phallus volants.
Par accident
A Brisbane, en Australie, en 2001, lors d’un enterrement de vie de garçon, Jure Skumavc, le témoin du mariage, a été blessé par un sextoy volant expulsé par un danseuse réalisant une performance assez particulière. L’article ne mentionne pas avec précision de quelle partie du corps de la dame provenaient le sextoy en question. Toutefois, il laisse supposer qu’elle ne le lançait ni avec les mains ni avec les pieds.
Le sextoy aurait parcouru 7 mètres de distance et plafonné à deux mètres de haut. Bilan de la mésaventure pour le “blessé”, dont on peut voir la photo le jour de sa mésaventure : une égratignure sur le front et une anecdote à raconter à tout bout de champ – y compris à la presse. Je ne suis pas sûre que tenter de se faire reconnaître publiquement comme “l’homme qui s’est pris un gode dans la tronche” soit une idée géniale pour avoir l’air cool… Mais il a l’air assez fier sur sa photo.
(Illustration en tête d’article : un graffiti à Londres, galerie Flickr de duncan c)
Edit (août 2014) : Bonus ! Un gif extrait du film mi-porno mi-horreur Hard Gore :
Bonjour, je me demande bien ce qui a pu motiver un tel article. :D
J’ai particulièrement apprécié le passage de l’attaque au pénis hélicoptère. :D
Ce qui a pu motiver cet article ? J’ai croisé un screenshot de l’attaque du pénis-coptère, et je me suis demandé d’où il sortait – et s’il avait des copains.
Ah je comprends mieux. :D C’est vrais que l’idée d’en faire un hélicoptère en rébellions est assez folclo. :D
J’imagine même pas le résultat en plein amphi… :D